Tout ce que vous voulez savoir sur les poêles à bois…
La question de la réglementation entourant les poêles à bois a fait couler beaucoup d’encre ces derniers jours. Le reportage publié dans La Presse, mardi dernier, sur le plan que s’apprête à rendre public la Ville de Montréal soulève plusieurs interrogations et met en opposition les environnementalistes et les propriétaires de poêles à bois. Ce débat a suscité également un grand nombre de questions. Éclairage.
1. Est-ce vrai que les poêles polluent plus que les autos?
Sylvain Côté, Association de l’air pur (ALAP): Tout dépend des substances analysées. Pour ce qui est des particules fines, le chauffage au bois est beaucoup plus polluant que l’automobile. Un poêle à bois non certifié utilisé pendant 9 h (ou un poêle certifié utilisé pendant 60 h), émet la même quantité de particules qu’une voiture utilisée pendant un an (ou 18 000 km). Rappelons que l’Organisation mondiale de la santé estime que les particules fines constituent le problème de pollution le plus préoccupant.André Bélisle, Association de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA) : Les poêles à bois polluent plus que les autos en termes de particules fines et d’hydrocarbures aromatiques polycycliques. Ce n’est pas le cas, toutefois, pour les autres gaz, comme le CO2.
Diane Boulet, chimiste au Réseau de surveillance de la qualité de l’air de Montréal (RSQA): L’utilisation pendant 2,5 jours d’un poêle à bois à technologie avancée et certifiée selon la norme EPA émet autant de particules qu’une automobile sur une période d’un an.
André Porlier, Conseil régional de l’environnement de Montréal (CRE) : On peut dire avec certitude que le transport, l’industrie et le chauffage au bois sont les trois principales sources de polluants atmosphériques à Montréal. Maintenant, il est très difficile de dire quel est le plus polluant puisque les trois secteurs émettent plusieurs types de polluants qui ne sont pas nécessairement comparables. Il est donc possible de dire que le chauffage au bois émet plus de particules fines (47 %) que l’industrie (36 %) ou le transport (17 %) mais il en va tout autrement pour d’autres polluants comme les COV ou le transport (50 %) et l’industrie (25 %). À mon avis, les trois secteurs (industrie, transport et chauffage au bois) sont importants…
2. Le smog hivernal est-il vraiment causé par les poêles à bois?
Diane Boulet (RSQA) : Le smog hivernal est causé par une forte concentration de particules fines. Les mesures effectuées au cours des dernières années ont démontré que le chauffage au bois résidentiel constitue la principale source responsable des particules fines au Québec en hiver, avec 47 % du total des émissions estimées, comparativement à 32% pour les industries et à 17% pour le transport.
André Bélisle (AQLPA) : Le smog d’hiver est principalement dû au chauffage au bois, qui ajoute sa pollution à celle du transport, des combustibles fossiles et des procédés industriels. Le smog d’été n’est pas lié au chauffage au bois.
Sylvain Côté (ALAP) : Le chauffage au bois résidentiel est majoritairement responsable des émissions de particules fines, et ces dernières sont à l’origine du smog hivernal. À titre indicatif, le chauffage au bois génère 47 % des particules PM 2,5 au Québec. La proportion peut différer par région. Par exemple, selon des données d’Environnement Québec, dans la région de la Capitale nationale, en 2000, le chauffage au bois a généré 61 % de la totalité des particules fines produites alors que les industries principales et le transport n’en ont généré, ensemble, que 31 %!
3. Pourquoi stigmatise-t-on les poêles à bois, alors que d’autres villes au climat tropical connaissent des épisodes de smog?
Diane Boulet (RSQA) : Les villes au climat tropical connaissent des épisodes de smog estival principalement dus à la présence d’ozone et de particules fines secondaires causées par les réactions photochimiques déclenchées par les rayons du soleil. La source des précurseurs de smog est différente.
Sylvain Côté (ALAP) : Le smog hivernal est principalement causé par une accumulation de particules fines alors que le smog estival est formé lorsque l’ozone est plus concentré.
4. Quel est l’impact des particules fines sur la santé humaine?
Norman King, épidémiologiste à la Direction de la santé publique (DSP) : Les particules fines peuvent pénétrer profondément dans les poumons. L’irritation des voies respiratoires et la toux sont les effets les plus souvent observés. L’exposition à ces particules peut déclencher des crises d’asthme plus fréquentes et plus sévères, ainsi que des bronchites infantiles. Des études ont également observé une diminution de la croissance pulmonaire chez des enfants exposés de façon chronique aux particules PM 2,5. Les personnes âgées et celles qui sont atteintes de maladies respiratoires ou cardiaques peuvent voir leur état de santé s’aggraver lorsqu’elles respirent des particules fines. Les particules fines en provenance du chauffage au bois contribuent à la pollution atmosphérique responsable chaque année de 1 540 décès prématurés à Montréal, selon Santé Canada.
Dominique Massie, Association pulmonaire du Québec (APQ) : La fumée produite par la combustion du bois perturbe la membrane cellulaire, ralentit l’activité du système immunitaire, endommage les cellules inflammatoires qui protègent et nettoient les voies respiratoires et désorganisent également le taux d’enzymes.
Les particules fines sont inhalées profondément dans les poumons et mènent à de graves problèmes respiratoires jusqu’aux décès en surnombre, particulièrement chez les personnes atteintes d’une maladie cardiorespiratoire préexistante.
5. Quelles sont les solutions les plus écologiques?
Ghyslain Bélanger, Association des professionnels du chauffage (APC): Les appareils certifiés EPA ainsi que les appareils fonctionnant aux granules de bois provenant de résidus forestiers. Certains émettent si peu de rejets, qu’ils n’ont même pas de cheminée!
André Porlier (CRE) : Si l’on se fie à l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA), la solution la moins polluante est le système à granule de bois (2g/kg), suivi des poêles respectant la norme Washington (4,5g/Kg), ceux qui respectent la norme EPA (7.5g/kg) et finalement, les poêles ordinaires (18.5g/kg).
André Bélisle (AQLPA) : Un poêle EPA 2 dans lequel brûle du bois franc sec : chêne, érable ou merisier.
Dominique Massie (APQ) : Pour Montréal, étant donné la densité de population et l’augmentation des maladies respiratoires, nous conseillons un poêle à granules certifié EPA émettant 1,2g/h, ou un poêle au gaz naturel ou au propane.
6. Comment peut-on savoir si son poêle est homologué EPA?
Ghyslain Bélanger (APC) : Sur chacun des appareils homologués est apposée une étiquette qui précise le taux d’émission (gr/h) et le taux d’efficacité (plage d’efficacité en %). Aucune ambiguïté n’est possible.
7. Combien coûte un nouveau poêle certifié?
Ghyslain Bélanger (APC) : Il y a une grande variété de modèles disponibles sur le marché et donc, de prix. Ces derniers peuvent varier de 900 $ à 3000 $, avec une majorité de modèles dans la fourchette 1000 $ à 2000 $.
8. Que penser des bûches dites «écologiques»?
André Bélisle (AQLPA) : Les bûches écologiques sont à utiliser avec prudence, mais il est vrai que les meilleures émettent moins de particules. Il faut par contre proscrire les bûches importées de l’étranger, comme du Costa Rica par exemple, en raison des émissions liées aux distances parcourues.
Diane Boulet (RSQA) : Les bûches écologiques utilisées une à la fois constituent une alternative aux bûches conventionnelles, puisqu’elles émettent moins de particules à l’atmosphère. Dans un poêle certifié, le taux d’émission peut être réduit de près de 58 % avec une bûche écologique (de 8,5 g/h à 3,6 g/h). Cette réduction peut atteindre 30 % dans un poêle non certifié. À titre comparatif, les émissions d’un poêle à granules sont autour de 1 g/h.
André Porlier (CRE) : Tant qu’il n’y aura pas de normes ou de certifications pour garantir la qualité du produit, il sera bien difficile de les recommander.
Ghyslain Bélanger (APC) : Il en existe plusieurs sortes sur le marché. Certaines ont été testées par Environnement Canada et ont obtenu des résultats fort intéressants par rapport au bois de chauffage conventionnel.
9. Les foyers en maçonneries sont-il aussi polluants que les poêles à bois?
Diane Boulet (RSQA) : Les émissions produites dans un foyer en maçonnerie sont pratiquement identiques à celles produites dans un poêle à bois. Par contre, la différence réside dans le temps d’utilisation de ces appareils qui sont généralement plus longs pour les poêles à bois (de 12 à 15 h) que pour les foyers (5 à 6 h).
André Bélisle (AQLPA) : Tout dépend du système de combustion et de la capacité à conserver la chaleur. En principe, les poêles en maçonnerie bien construits et bien équipés permettent de conserver la chaleur pendant des heures, pour la libérer doucement par radiation. Ces poêles consomment donc beaucoup moins de bois pour une chaleur égale.
Ghyslain Bélanger (APC) : Tout dépend de l’usage et du type d’appareils : généralement, un poêle à bois est utilisé plus fréquemment qu’un foyer. Cela dit, les foyers de maçonnerie traditionnelle produisent beaucoup plus de rejets qu’un poêle à bois certifié EPA, même à usage intensif.
10. Le problème est-il le même en ville qu’à la campagne?
André Porlier (CRE) : Non, puisqu’en ville, le chauffage au bois s’ajoute à la circulation automobile et aux industries pour détériorer la qualité de l’air. Il y a également une plus grande concentration de systèmes de chauffage au bois en ville. Cela dit, la forte concentration de maisons avec des appareils de combustion peut également causer des problèmes de qualité de l’air dans les villes et villages.
Diane Boulet (RSQA) : En hiver, à la ville comme à la campagne, la présence de smog dépend des sources locales d’émissions. Les conditions météorologiques jouent aussi un rôle important. À Montréal, le chauffage au bois est le principal responsable du smog hivernal, en raison de la grande densité d’appareils sur le territoire. Mais en Abitibi aussi, pendant l’hiver, il y a régulièrement des avertissements de smog à cause de chauffage au bois.
Sylvain Côté (ALAP) : Toutes les régions du Québec sont touchées, à différents degrés, par ce grave problème. Cependant, la production des émissions nocives est extrêmement localisée au niveau des émanations de cheminées des habitations. Un quartier, un pâté de maisons, et, bien souvent, quelques habitations, peuvent être totalement envahis par une pollution extrême qui est très nuisible à la santé sans que le reste du voisinage, de la zone ou de la région soit nécessairement pollué à outrance.